- Le cancer du poumon
- Altérations moléculaires dans le CBNPC
Le CBNPC peut parfois être associé à des altérations moléculaires au niveau de différents gènes tels que KRAS, ALK, ROS, RET... ou encore l'EGFR.(1)
Une analyse française portant sur plus de 17 000 patients atteints de CBNPC avancé, ayant fait l'objet d'une recherche d'altération moléculaire entre avril 2012 et 2013, a montré qu'une altération moléculaire était détectée dans près de 50% des cas. Le schéma ci-dessous présente la fréquence des
6 altérations moléculaires recherchées au cours de cette analyse.(2)
Principales mutations identifiées dans le CBNPC (2,3)
Type sauvage$ = patients avec un profil moléculaire établi sans mutations EGFR, KRAS, BRAF, HER2, PIK3CA, ou réarrangement ALK.
*notamment : MET, ROS1, RET, ou NTRK 1 & 2
Les tests de détection des mutations activatrices du gène de l'EGFR, ou de certains autres gènes tels que ALK, BRAF ou KRAS, ont une portée théragnostique puisque la mise en œuvre de certaines thérapies ciblées dépend directement de leur résultat.(4) Ils permettent de détecter, dans la tumeur d’un patient, des mutations génétiques spécifiques, dont la présence éventuelle est prédictive de l’efficacité ou de la résistance à certains traitements selon les cas. (5)
À l'heure actuelle, si suffisamment de tissu a pu être obtenu pour le diagnostic, il est recommandé de rechercher systématiquement certaines altérations moléculaires en cas de cancer non épidermoïde de stade avancé et en cas de cancer épidermoïde de stade avancé chez les non fumeurs. (5)
Il est notamment recommandé de disposer des résultats de certaines altérations telles que EGFR, ALK, et ROS 1 chez les non fumeurs, avant de débuter une 1ère ligne de traitement au stade avancé. (5)
Ceci s'ajoute à la recherche du statut d’expression PDL1 en immunohistochimie sur les cellules tumorales, qui est également recommandée dès le diagnostic initial dans tous les CBNPC de stades IIIA non résécables à IV. (5)
L’EGF est un facteur de croissance dont la voie de signalisation joue un rôle important dans la régulation du cycle cellulaire. Il est ainsi impliqué dans le développement et le fonctionnement normal des structures épithéliales de différents organes. (6,7)
Nom : Récepteur de l’EGF
Nom d’usage : EGFR
Taille du gène : 28 exons
Taille de la protéine : 170 kDa
Famille : Facteurs de croissance épidermiques ErbB/HER
Activité : Récepteur trans-membranaire possédant une activité tyrosine-kinase intrinsèque
Localisation : Gène situé sur le bras court du chromosome 7 (en 7p12.13)
Anatomie : 3 domaines identifiés
Structure de l’EGFR
L’EGFR est exprimé dans la plupart des types cellulaires, notamment dans le système respiratoire avec une présence forte sur les cellules de l’épithélium bronchique et modérée sur les cellules épithéliales alvéolaires.
La protéine EGFR est impliquée dans de nombreux mécanismes de signalisations intracellulaires et est ainsi partie prenante dans le contrôle de la croissance, la survie, l’adhésion, la migration et la différenciation cellulaire. (6)
L’EGFR a plusieurs ligands connus (EGF, TGFα, …) dont la fixation sur son domaine extra-cellulaire va induire son activation et le déclenchement de la cascade de signalisation associée. (8,9)
L’activation de l’EGFR a lieu lors de la fixation de l’un de ses ligands sur la partie extra-cellulaire du récepteur.
Cette activation déclenche une dimérisation du récepteur avec un autre EGFR ou un récepteur apparenté (HER2/neu par exemple).
La dimérisation permet une levée de l’auto-inhibition présente sur le domaine tyrosine-kinase du récepteur, permettant alors son autophosphorylation et le déclenchement de la cascade de signalisation correspondant au ligand fixé. Le résultat final est alors, en fonction du ligand fixé, la prolifération, l’apoptose, la migration (locale ou à distance) de la cellule ayant lié le ligand ou encore un processus d’angiogenèse.
L’EGFR est un récepteur oncogénique : il joue un rôle dans l’apparition et le développement de certains cancers. (10) En effet, la dérégulation de l’activation de l’EGFR entraîne une augmentation de l’activité des voies de signalisations intra-cellulaires via l’autophosphorylation du domaine tyrosine kinase. Cette hyper-activation a pour conséquences directes ou indirectes une augmentation de la survie et de la prolifération des cellules concernées, des phénomènes de néo-angiogenèse ou encore une migration des cellules. Ce qui, dans le cadre de cellules à phénotype tumoral, favorise la croissance tumorale ainsi que l’invasion locale et la dispersion métastatique. (8,10)
Une surexpression du gène de l'EGFR a été observée dans de nombreux cancers : tête & cou, ovaires, col de l’utérus, vessie, poumon, oesophage, sein, etc. (8)
Par ailleurs, différentes mutations activatrices du gène de l’EGFR sont connues pour lui conférer un caractère oncogénique. Le récepteur est alors activé de façon constitutive sans nécessité de liaison à un ligand, provoquant un dérèglement de la prolifération et de la survie cellulaire et participant ainsi à l’apparition et au développement tumoral. (6)
À noter que, dans le cancer du poumon, les mutations de l'EGFR sont plus fréquemment retrouvées chez : (10)
Au niveau génomique, différentes mutations activatrices du gène de l’EGFR ont été décrites : délétions d’un ou plusieurs nucléotides, insertions d’un ou plusieurs nucléotides ou mutations ponctuelles (substitution d’un seul nucléotide).
En France, on estime qu’environ 11 % des CBNPC sont associés à une mutation du gène de l’EGFR. (2)
Mutations dites « communes » (6) :
Mutations rares (11) :
Fréquences des mutations EGFR dans le CBNPC de type adénocarcinome (11)
Fréquences des mutations de l'EGFR dans le CBNPC. Données issues des bases de données COSMIC (catalogue of somatic mutations in cancer). Seules les mutations retrouvées dans les adénocarcinomes ont été retenues et les mutations communes de résistance T790M et C797S ont été exclues.
Caractéristiques structurelles et positions des principales mutations de l'EGFR. (11)
Les mutations oncogéniques retrouvées sur le gène de l’EGFR peuvent être observées dès le diagnostic et/ou apparaitre après une ou plusieurs lignes de traitement. Elles se situent toutes dans les exons codant pour le domaine tyrosine kinase du récepteur. Ce site étant également le site de fixation des inhibiteurs de tyrosine kinase, la sensibilité aux inhibiteurs de tyrosine kinase peut varier selon le type précis de mutation retrouvée. Ainsi, certaines mutations seront associées à une sensibilité accrue ou au contraire à une résistance à certains traitements. (6,10)
Exemples de quelques mutations de l’EGFR conférant une sensibilité accrue ou une résistance à certains traitements. (10)
La recherche de certaines altérations moléculaires doit systématiquement être demandée si l’échantillon est suffisamment riche en cellules tumorales, en cas de cancer non épidermoïde de stade avancé et en cas de cancer épidermoïde de stade avancé chez les non-fumeurs. (5) Cette recherche d’altérations moléculaires doit être effectuée au maximum dans les 3 semaines calendaires suivant la date de prélèvement, dont 2 semaines après demande auprès du laboratoire. (5)
Les tests génétiques, comme tout examen de biologie médicale, se déroulent en trois phases : (4)
L'analyse peut être effectuée sur un échantillon tissulaire ou cellulaire (biopsie, pièce opératoire obtenue suite à la résection chirurgicale d’une tumeur, ou encore une cytologie tumorale). Dans certains cas, une biopsie liquide peut également être envisagée pour déterminer le statut mutationnel d'un patient grâce à l'ADN tumoral circulant, à partir d'un simple prélèvement sanguin.
Bien qu’il n’existe pas de méthode de référence en tant que telle pour la recherche de mutations en génétique somatique, différentes techniques sont homologuées et utilisées en pratique courante. Elles reposent sur l'analyse des acides nucléiques (ADN/ARN).
La Réaction de Polymérisation en Chaîne (PCR) ciblée est une méthode simple, particulièrement performante et accessible pour un grand nombre d’applications dont il existe de nombreuses variantes telles que la RT-PCR, la PCR multiplex... pouvant être couplées à d'autres techniques telles que le séquençage. La PCR ciblée regroupe l’ensemble des techniques d’amplifications des acides nucléiques utilisant des amorces spécifiques permettant de cibler la détection d’une ou plusieurs mutations génétiques d’intérêt d’où son utilisation en génétique somatique. (4,12,13)
Alternance des 3 phases suivantes :
Avantages de la méthode : détection de tous les types de mutations, méthode rapide et de bonne sensibilité (1-10% d’ADN muté). (4,13)
Inconvénients : nécessité d’utiliser des amorces spécifiques pour chaque mutation recherchée, coût élevé. (4,13)
▶ Séparation de l'ADN double brin en 2 ADN simple brin, homogénéisation du milieu réactionnel et inhibition d'autres enzymes potentiellement présentes dans la solution.
▶ Appariement des amorces spécifiquement avec leur brin d'ADN à étudier.
▶ Synthèse du bras complémentaire de chaque brin d'ADN matrice à partir des désoxyribonucléotides libres.
Le NGS : présentation
Le séquençage de nouvelle génération ou NGS, encore appelé séquençage haut débit, est apparu en 2005. Il s’agit d’une méthode de séquençage à haut débit permettant l’analyse de plusieurs gènes ou loci et de plusieurs échantillons à la fois. Le NGS est un processus complexe qui regroupe plusieurs technologies évolutives se caractérisant par 4 étapes : (4,13)
Étape 1 - Préparation d’une librairie de séquençage
Étape 2 - Amplification clonale
Étape 3 - Séquençage
Étape 4 - Traitement des données de séquençage
Avantages de la méthode :
permet le séquençage massif de plusieurs gènes et loci, voire du génome complet, en même temps. Permet l’analyse de plusieurs échantillons à la fois avec un temps de réalisation court (quelques jours). Bonne sensibilité (5% mais peut descendre jusqu’à 1%). (4,13,14)
Inconvénients :
côut élevé, délai global (réalisation de l'analyse, délai d'obtention du résultat par un laboratoire sous-traitant...) parfois long. (4,13)
Le NGS : en pratique
En 2017, l’ensemble des plateformes de génétique moléculaire des cancers, labellisées par l'INCA, ont mis en place des méthodes de NGS pour la détection de mutations somatiques. L’analyse par NGS d’un panel ciblé de gènes permet la détermination en une seule analyse d’altérations de gènes qui sont des cibles moléculaires validées pour les thérapies ciblées. (4,5,13,15)
Liste minimale consensuelle des gènes à analyser dans le cadre d’une NGS à visée diagnostique dans le cadre du CBNPC (5,15) :
En 2016, parmi les 83 000 patients atteints de cancer ayant bénéficié d’un test pour l’accès à une thérapie ciblée,
35 000 tests ont été réalisés par NGS. (4)
Le NGS : méthode d’avenir dans la prise en charge des cancers ? (14)
Les analyses génétiques sont devenues clés pour la prise en charge des patients atteints de certaines tumeurs solides ou hémopathies malignes puisqu’elles permettent de poser ou d’affiner le diagnostic et la classification de la tumeur ou de l'hémopathie. Elles peuvent également avoir une certaine portée pronostique avec l’identification de mutations de mauvais pronostic le cas échéant et peuvent avoir un intérêt théragnostique dans le cadre des thérapies ciblées.
Actuellement, le NGS est utilisé afin de tester rapidement un panel (assez réduit) de gènes d'intérêt théranostique chez un grand nombre de patients.
Evolutions attendues des analyses NGS des cancers au cours des prochaines années (14)
L’objectif de ces nouvelles analyses poussées sera d’aider à déterminer pour chaque patient la prise en charge la plus adaptée à sa situation. Le NGS pourrait permettre de réaliser :
L’analyse poussée des mutations somatiques tumorales pourra également permettre d’aider au développement d’immunothérapies personnalisées du cancer via l’identification des antigènes spécifiques à chaque tumeur.
La sensibilité du séquençage de très haut débit permet aussi de détecter les "actionnable mutations" à partir d'ADN tumoral circulant, ce qui est particulièrement intéressant chez les patients métastatiques. En effet, cette approche de "biopsie liquide" permet une lecture globale du profil mutationnel de l'ensemble des métastases, et pourrait permettre un suivi des patients sous thérapies ciblées via la détection précoce d'éventuelles mutations prédictives de résistances secondaires aux traitements. (14)
CP-278328 - 12/2021